23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 14:37

 

 

 

 

 

 

  Peinture, poésie et femmes


Entretien avec l'artiste-peintre Filomena Salley


accompagné d'une exposition de certains de ses tableaux

 

 

 

 

Réalisé  par  Cyril Bontron

 


 

Tableau 0 de l'artiste-peintre Filomena Salley

 

 


Parlons un peu de vos sources d'inspiration ? La poésie figure-t-elle parmi elles ? 

 


Pas consciemment. Quand je débute une nouvelle toile c'est d'abord mon regard intérieur qui dirige ma pensée, pas le verbe... qu'il soit prose ou poésie ; le silence m'est d'ailleurs indispensable. Après, l'œuvre finie, le regard que je pose sur elle m'amène effectivement à y apposer des mots... et le peintre, à de rares exceptions dont je ne fais pas partie, ne fait pas d'exposés sur ses œuvres – les critiques s'y emploient déjà assez – je dirais, donc, que ce besoin d'un texte poétique, est un peu le point final à la signature de l'œuvre. 

 

 

 

On sait que la peinture est au cœur de la poésie comme c'est le cas dans la poésie (dite) visuelle, peut-on dire la même chose de la poésie dans la peinture (et plus particulièrement dans la vôtre ?)

 

Je ne me considère pas poète... aussi il faudrait plutôt poser la question aux poètes. Mais, non, je ne le pense pas car la peinture reflète l'indicible... ce qui ne peut s'exprimer en mots... la transcendance de l'intime qui ne se nomme pas... le désir d'abandon qui ne s'avoue pas... le plaisir de l'accomplissement qui n'est jamais rassasié... « l'Idéal » !

Dans la poésie ce sont les mots, eux-mêmes, qui nous renvoient les images... Et il faut reconnaître également que l'évolution des techniques de peinture ne déclenche pas exactement une lecture réellement poétique, ou du moins pas toujours...

 

 

 


Tableau4 de l'artiste-peintre Filomena Salley

 

 


Quel est votre sentiment à propos du rôle de la peinture des femmes dans l'évolution de cet art ?

 

Si l'on se penche sur  l'histoire de la peinture, tout au long des siècles,  on constate  que le nombre de femmes peintres  renommées est très restreint. Et les raisons se trouvent dans l'Histoire, avec un grand « H », de l'humain quelques soient les civilisations.

Car la femme a toujours été « brimée » côté disponibilité temporelle – la maternité, l'éducation des enfants, l'intendance de la maison – et ce, paradoxe ironique, même dans les sociétés dites matriarcales... puisque leur reconnaissance leur ôtait encore plus le droit au dilettantisme.

Celles qui ont traversé les siècles restent dans un créneau assez limité « portraits, (les enfants, la famille), jolis bouquets... et étaient issues des couches sociales  avantagées ; ou  la douleur par manque de ce vécu (atavisme d'une culture millénaire judéo-chrétienne même pour des femmes s'étant émancipées du carcan originel, comme ce fut le cas de Frida Kahlo).

Mais, aujourd'hui, même si la femme manque encore plus de temps, puisqu'à la famille est venue s'ajouter une carrière professionnelle (assez rare dans le passé et surtout pas dans les milieux aisés), sa liberté d'expression donne à sa peinture un langage plus puissant, plus concret que celui de l'homme resté, lui, dans son besoin d'affirmer le monde par la suprématie masculine... Je vois l'art pictural féminin moderne s'inscrire dans la lignée des grands artistes du passé qui ont transcendé la femme et l'amour (toutes époques et toutes écoles confondues, tels Raphaël, Courbet, Klimt...).

 

 

   

D'après vous, comment et en quoi les peintures du corps et du nu féminin réalisées par les femmes artistes peuvent être une nouvelle voie d'émancipation des femmes artistes et de leurs modèles ?

 

Peut-être que si j'étais un homme je penserais comme ce que je viens de répondre plus haut... mais je suis très heureuse d'être femme et de l'exprimer en essayant de rendre palpable tout ce qu'est une femme : l'amante, l'épouse et la mère. Et je ne pense pas être la seule à le penser.

La femme, malgré qu'ayant eu à se battre pour son émancipation et l'égalité de ses droits, ne ressent pas forcément un besoin de revanche dans son affirmation. Elle savait ce qu'elle valait, elle l'a obtenu, elle avance et  l'exprime avec gourmandise. Sa peinture est une transcription instinctive de ce pourquoi elle s'est battue pas de ce qu'elle a acquis... de là une peinture plus gracieuse, plus lumineuse aussi.

 


 Tableau3 de l'artiste-peintre Filomena Salley

 


L'univers du cabaret vous passionne, quelles images de libération et de jeux avec les représentations du corps vous renvoie-t-il ?

 

Moi, j'ai besoin de peindre comme je voudrais que soit la vie : légère, belle. A plus forte raison parce qu'elle ne l'est pas toujours. Dans la vie de tous les jours la femme est confrontée à la scène  :  paraître – forte au travail et à la maison ; et aux coulisses : l'être effectivement. Par le milieu il y a les accrocs, la maladie qu'il faut (quand on le peut, évidemment) surmonter. J'ai la chance de pouvoir exprimer tout cela sur la toile... il est là, le jeu ! Exactement comme dans la vie. Sauf que je n'aime ni la triche ni me complaire dans le malheur, aussi j'essaie de me maintenir au plus proche de la vérité.

Et la vérité dans la vie c'est qu'une fois les difficultés ou les malheurs surmontés ils perdent de leur importance (c'est ce qui fait que la vie puisse continuer, d'ailleurs). L'univers du cabaret sous-entend toujours une face triste, voire sordide et solitaire, et l'autre lumineuse voire  généreuse et opulente. Disons que dans ma malle à accessoires il n'y a que des beaux atours...

 

 

 


Tableau2 de l'artiste-peintre Filomena Salley

 

 


Et vos projets pour l'année 2011-2012 ?

 

Une nouvelle collection, continuer à promouvoir des artistes peu connus au sein de ma galerie ouverte à tous les arts, participer à des expositions et surtout continuer à me faire plaisir … dans mon métier, dans la vie !

 

 

 


Tableau1 de l'artiste-peintre Filomena Salley

 

 

 

Galerie de l'artiste-peintre Filomena Salley

 

 

 

 

 

Pour citer cet entretien

 

 

 

 

 


Cyril Bontron, Filomena Sally,  « Peinture, poésie et femmes. Entretien avec l'artiste-peintre Filomena Sally accompagné d'une exposition de certains de ses tableaux, in Le Pan poétique des muses|Revue de poésie entre théories & pratiques : « Poésie & Crise » [En ligne], n°0|Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. http://0z.fr/UZPRZ                  ou

URL. http://www.pandesmuses.fr/article-n-0-peinture-poesie-et-femmes-entretien-et-exposition-de-l-artistedilomena-sally-85930192.html

 

 

 


 

 

 



Pour visiter le(s) site(s) de l'artiste-peintre

 



www.artquid.com/filomena

www.lestoilesdefilomena.com





Auteur(e)s





Filomena Salley

Cyril Bontron

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Le pan poétique des Muses - dans n°0|Automne 2011
23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 14:37

 

  [invité de la revue]


La poésie n'est pas une maladie honteuse...*

 

Pour un lyrisme critique

 

 

 

 

 

Jean-Michel Maulpoix 

 

Article reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur

 



A quelles conditions le lyrisme est-il possible ? On le dit aujourd'hui " de retour ". Dans la prose, comme dans les vers, il revient, il insiste. Turbulent, aggravé par l'époque, désireux d'en découdre. Pourtant plus larvaire que sublime. Se déguisant volontiers en ses contraires : le vulgaire et le prosaïque. Mordu par l'ironie, mécréant, équivoque, prompt à se fourvoyer.

Le lyrisme se prête à toutes les mésententes. Toutes les malversations pourrait-on dire. Puisque à travers lui s'amplifient le dérangement de la poésie et la culpabilité du poète. Ce pourquoi le philosophe fut tenté de le chasser de la cité : culte des images, soif inextinguible " d'autre chose ", emportement, fièvre de tout dire. Dans ses excès et ses leurres, le lyrisme est le nom d'une maladie de la parole. Le nom de ce sur quoi la poésie se fonde, et de ce à quoi il lui faut résister. De ce pour quoi elle cherche une issue. De ce qui sans elle resterait lettre morte.

" Caractère du style élevé, des inspirations solennelles " énonce Littré à son propos. Mais qui oserait à présent entonner des poèmes-cantiques ? On le sait au moins depuis Mallarmé : " Le Ciel est mort "; ce qui n'empêcha pas l'auteur d'Hérodiade de l'entendre revenir dans " les cloches bleues ". Voilà près de cent cinquante ans que " le tunnel de l'époque " a contraint les poètes à déchanter et en rabattre : dans leur superbe, leurs prétentions ou leurs illusions. Rabattu, l'envol. Ravalé, le cœur. Et " rendu au sol " le poète, plus que jamais boiteux dans l'ici-bas. Qu'on se le dise : il n'est plus temps d'instruire le procès du lyrisme. La sentence est tombée de longue date : travaux forcés à perpétuité. C'est plutôt l'heure de ressaisir son pourquoi. Scruter, déplier, expliquer. Si le lyrisme est encore possible aujourd'hui, c'est avant tout comme une question qui ne passe pas. Une question que la littérature se pose à elle-même dans la poésie. Une question aussi bien que la poésie pose à la société, à cette vie-ci, la nôtre.

Longtemps le lyrisme eut quelque chose à voir avec l'espérance. Il lui appartint d'en fabriquer. D'en " reprendre " jusqu'à l'ivresse. De s'intoxiquer de futurs et de " là-bas ". Le lyrisme fut le chant des lendemains qui chantent et des ailleurs plus beaux. Luxe et volupté de la langue " où les oiseaux sont ivres ".

Sans doute seront-ils toujours nombreux ceux qui lyriquement aiment à se payer de mots. On est tous passés par là. On y repasse encore. Inexorablement. Puisque lyrisme est le nom de cette " maladie sidérale " qui conduit chacun à préférer ce qui n'est pas à ce qui est. " Les corps carburent à l'idéal " (Pommier). Le poème volontiers prend ses vessies pour des lanternes. Au fond de l'encrier, il rallume comme il peut ses lumières.

Comment ne pas être dupe ? La question est d'importance. Surtout pour qui considère que la poésie n'est pas réductible à la pulsion et au symptôme, ou que sa mécanique formelle n'est pas tout. Ce travail au noir qui tire la langue au clair a quelque chose à nous apprendre sur ces phrases que nous sommes. Sur le désir qui nous anime, la contrariété qui nous disjoint et l'articulation qui nous occupe. Singulièrement et collectivement. Sur notre façon de tenir debout et de tenir ensemble. Sur les grincements de la charnière où s'ajointent âme et corps, le proche et le lointain, l'un et le multiple…

Lyre fut naguère le nom de l'instrument qui accordait les contraires et pacifiait les monstres infernaux. Cette magie-là n'existe plus. Le stylo troue la page à mesure qu'il la couvre : il en certifie la blancheur. Il accuse les limites de notre condition et de notre savoir. Il ne suture pas, il incise. Plus question de chanter sur le papier. Comment y donner de la voix ? Depuis que Baudelaire lui a fait rendre un son discordant de cloche fêlée, cette voix ne saurait plus remonter quelque Eurydice de ses Enfers. Mais au moins peut-elle dire encore " je me souviens ". Elle veille sur les dépouilles de ceux que nous avons aimés. Elle se fait un habit de ces " haillons de bleu " (Beckett) que nous gardons en tête. En elle, persiste la mémoire d'un désir de beauté. Pensif et testamentaire, tel est le lyrisme qui veut croire encore en l'obstination du souci, garant de la pérennité de l'œuvre.

Le lyrisme ne se résigne pas. Jusqu'à l'heure de notre disparition, il se souviendra que nous avons rêvé. Eperdument, dans les surfaces, il recreuse de la profondeur. Depuis toujours, il recommence lorsque " la voie droite " (Dante) est perdue. La crise est son temps, son espace. Crises de vers ou crises de sens, nos affaires de langue vont par lignes brisées. Rythmées d'envols et de chutes, comme nos histoires de cœur. Moins transportées par le souffle qu'aspirées par des trous d'air. Des trous qu'il s'agit de reconnaître nôtres. En prenant la mesure du défaut que nous sommes. Puisque " nous sommes nés troués " (Michaux).

Non, le ciel n'est pas mort, s'il n'est après tout que l'évidence bleue toute nue de la question à tout jamais posée. Une question avec laquelle nous faisons corps. Et que la poésie transporte. Le lyrisme s'inquiète : " Où sommes-nous ? ", " Quand sommes-nous ? " (Rilke). Faute d'ouvrir un accès à la vérité, il exige du sens. Il perd et demande son chemin. Dérapant parmi les mots, ou emporté par la musique, c'est un savoir qui se nourrit de nos méprises. Un savoir plus vivant qu'un autre. Menant vers une sagesse qui aurait traversé ce à quoi il lui faut renoncer. " Perdre, perdre vraiment, pour laisser la place à la trouvaille " (Apollinaire). Plutôt perdre vraiment pour garder une chance de s'y retrouver.

Recueillir " la croyance détruite, en son leurre et sa fragilité "(Deguy) exprimer " le conscient manque chez nous de ce qui là-haut éclate " (Mallarmé), voilà le travail contemporain du lyrisme critique tel qu'il refuse de s'agripper au réel " objectif " comme à la seule planche de salut. Apparitions et disparitions : les mêmes lumières clignotent dans l'existence et dans la langue. Elle aussi se connaît mortelle.

La poésie ne promet rien. Le monde n'est pas meilleur après elle. Mais il y est rappelé avec insistance que des êtres précaires perdurent, réclament et souffrent de diverses soifs.

Espoir, non, mais maintien. Quand l'homme a sur cette terre des mœurs arrogantes d'occupant, paradant avec ses indices de croissance, ses bilans, ses diplômes, ses armes et ses centrales nucléaires, boursicotant à qui mieux mieux et polluant, vautré dans ses " seuls appétits " (Mallarmé), excrémentiel jusqu'en sa langue, inondant la planète de sa diarrhée technologique, creux mutant aliéné oublieux de tout par indifférence.

Espoir, non, mais accusation, réclamation. Renversement des " idées mortes " (Novarina). Une plainte déposée dans la langue. Un recours. Acte d'accusation ou bref pan de mur jaune, le lyrisme force et colore le trait

Espoir, non, mais promesse " qui ne promet rien " (Deguy). Alliance, alliage de mots, le lyrisme est oxymorique. Il promet car il se souvient ; il promet de se souvenir.

Espoir, non, mais passage. Passant, passeur et passager, le poète s'en tient à " son transitoire ". Transi de finitude, il la donne en partage.

Espoir, non, mais mouvement. Lenteur ou vitesse, le lyrisme est affaire de régime. Mode de propulsion à énergies variables, il procède selon le jeu alternatif de l'exclamation qui interpelle et du développement où s'étagent perception et pensée.

Espoir, non, mais désir. Déchirer dans la poésie " le voile de laideur et d'insignifiance qui nous laisse incurieux devant l'univers " (Proust).

Espoir, non, mais conscience. Que la langue nous maintienne vivants, attentifs et scrupuleux. De son impuissance à dire ce qui est, aussi bien qu'à toucher l'idéal, le lyrisme fait sa raison d'être. Par l'échec, il assure sa prise. Dans le désespoir, il puise son " énergie " (Deguy).

Espoir, non, mais vigueur. Qui écrit un poème y veut voir jouir des figures. La poésie, c'est du sang noir accumulé dans un corps caverneux. " Bander ! tout est là ! C'est pour cela que j'aime tant le lyrisme " s'exclamait Flaubert.

Espoir, non, mais proximité. Appliquant ses forces à résorber l'écart, il n'est pas froideur mais chaleur, car il " fait fondre la distance " (Deguy). Son contraire est l'ironie.

Espoir, non, mais poignance. " L'organe du langage c'est la main " (Novarina). Le lyrisme est affaire de poigne autant que de toucher. D'étendue et de contenance.

Espoir, non, mais critique. Le lyrisme connaît ses leurres. Il retourne l'antique puissance de célébration en puissance d'examen. Horizontal, il a en vue le proche et le semblable plutôt que les lointains. Vertical, il transporte et transmet. Oblique, il sait que toute identité est traversée par l'altérité de l'intérieur. Ni messianique, ni prophétisant, il ne vole plus vers l'Idéal ni ne prétend ouvrir les portes de la " vraie vie ". Son attention, pourtant, se concentre toujours sur ce qui manque. Il en prend soin. Il l'interroge et le presse de se dire. En y mettant les formes.

Lyrisme critique : habiter, bien sûr, l'entresol (puisque nous ne sommes ni des oiseaux ni des plantes) mais reprendre de l'altitude. Ne pas se résigner à la boue du n'importe quoi. " Proportionner la vie à son néant par l'œuvre " (Deguy). Marcher sur le fil de la voix. Garder la main, tenir parole. Parler juste dans l'incertain. La poésie n'est pas une maladie honteuse.

 

*Article paru dans le numéro de mars 2001 du "Magazine littéraire" et sur le site de l'auteur :

La poésie n'est pas une maladie honteuse...

 

 


 

Pour citer cet article



 

 

Jean-Michel Mauploix, « La poésie n'est pas une maladie honteuse » (article reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur), in Le Pan poétique des muses|Revue de poésie entre théories & pratiques : « Poésie & Crise » [En ligne], n°0|Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. http://0z.fr/UA3bn                    ou

URL. http://www.pandesmuses.fr/article-la-poesie-n-est-pas-une-maladie-honteuse-86004234.html

 




Pour visiter le site de l'auteur(e)



 
 http://www.maulpoix.net/




Auteur(e)

 


 

 Jean-Michel Maulpoix

 

 

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23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 14:37

 

 

 

Joaquim Lemasson 


De l’art porétique comme langue apoétique... Suite

 


 

 

 

D’où il ressort évidemment que la Poésie est toujours différente de la Prose. […] La poésie classique n’étant sentie que comme une variation ornementale de la prose […] Toute poésie n’est alors que l’équation décorative, allusive ou chargée, d’une prose virtuelle qui gît en essence et en puissance dans n’importe quelle façon de s’exprimer.[…] De cette structure, on sait qu’il ne reste rien dans la poésie moderne […][99] C’est malheureusement cette conception classique[100] que Jean Cohen, quarante ans plus tard, continue de perpétuer : La poésie n’est pas autre chose que la prose, elle est plus.[101] Conclusion erronée qui repose sur le postulat périmé de la réduction de la poésie à l’écart de la figure de style[102]. Cette focalisation de la stylistique sur la figure de style en tant qu’écart par rapport à une hypothétique norme constitue une véritable tradition qui, depuis les Anciens[103], se poursuit chez les stylisticiens modernes, comme le rappelle Jean Cohen qui y voit le moyen de légitimer sa conception qui découle d’un long héritage culturel : Bailly lui-même le[104] définissait comme « déviation du parler individuel » et Léo Spitzer comme « déviation individuelle par rapport à une norme »[105]. Dés lors, la stylistique se réduit au repérage de ce phénomène microstructurel qu’est la figure dans lequel on va reconnaître un style qui témoigne de la « poéticité » du texte dans la mesure où la figure est érigée en critère définitoire de la poésie : l’écart est le premier temps de la figure, et […]la figuralité constitue la poésie.[106] Comme s’il n’y avait pas de figures dans la prose littéraire (donc pas de style) ni dans l’usage courant[107]. Ce qui conduit à l’équation : poésie = vers + figure : Mais si « dire », c’est aussi exprimer autre chose, ce visage émouvant du monde, cette couche d’expressivité, ce pathétisme des choses et des êtres[108], alors seul en a la puissance un certain langage, ce langage des vers et des figures que l’on[109] appelle poésie.[110] On ne pourrait donc « dire » quelque chose de profond qu’en mobilisant exclusivement les vers et les figures ; tant pis pour la prose (romanesque ou poétique) qui se voit interdire toute capacité de dire quoique ce soit d’essentiel : vision on ne peut plus réductrice de la littérature (qui se réduit à la poésie) et de la poésie (qui se réduit à la poésie versifiée)[111].

Insatisfaits de cette théorie de l’écart par rapport à une norme indéfinissable (ou qui inclut l’écart) certains stylisticiens ont tenté d’adapter cette théorie à une analyse structurale. Ainsi, Michael Riffaterre substitue à la notion de norme celle de contexte : […] le contexte joue le rôle de norme et […] le style est créé par une déviation par rapport à lui […][112]  Cette posture a en effet l’avantage d’introduire une variabilité de la norme qui devient évolutive et n’est plus perçue comme un absolu a priori : Ce concept de contexte a sur la norme l’avantage d’être automatiquement pertinent : il varie pour chaque effet de style. Seule cette variabilité peut expliquer pourquoi le même fait linguistique acquiert, modifie ou perd son effet stylistique en fonction de sa position (et aussi pourquoi une déviation par rapport à la norme ne coïncide pas nécessairement avec le style).[113] Seulement, cette théorie, même si elle permet d’affiner l’analyse, reste prisonnière d’une pensée dualiste oppositionnelle, additionnelle[114] et microstructurelle du style. Alors que ces notions, loin de s’exclure, s’opposent solidairement, disons, dans la mesure où elles n’existent que dans l’instant où elles s’opposent : contrairement à ce que croit une stylistique simpliste, l’écart ne s’oppose pas à la norme, il la maintient. Il en va de même pour l’enjambement : il doit maintenir la fin de vers qu’il semble abolir.[115] Plutôt que de perfectionner une théorie inadéquate, il nous apparaît plus judicieux de rechercher, de tenter d’élaborer[116] une théorie qui dépasse ces dualismes obsolètes (fond /forme, prose /poésie, écart /norme) pour fonder une véritable critique de la poésie.

Cette dimension critique[117] est à saisir dans la totalisation du terme. Cette critique se veut donc tout à la fois :

 


- une crise de la poésie : qui permet la possibilité de penser son évolution en-dehors de dogmes est-éthiques (inutile donc de penser en termes de progrès ou de décadence). La crise permettant finalement de penser l’historicité de la poésie.


- une critique : c’est-à-dire un refus de la poésie (de ce que nous avons appelé le poétisme) et un refus d’une certaine critique (de ce que nous avons appelé le criticisme)[118]


- un état critique (au sens où l’on dit d’un agonisant qu’il est dans un état critique) de la poésie[119] (dont il faut nécessairement tenir compte[120]) et un état critique de la critique (qui ne peut plus être pensée comme la grille de lecture par excellence mais doit prendre conscience de l’aspect nécessairement provisoire de ses conclusions et de l’indispensable réfutabilité de celles-ci : ce qui fonde, d’ailleurs, la scientificité de la pratique).


Par conséquent, afin d’abandonner les a priori est-éthiques liés au style (le Beau, le Bien) nous préfèrerons parler d’écriture[121] (en tant que la spécificité et l’historicité d’un discours) ; ce qui nous permettra d’opposer à la stylistique (quasiment monopolisée par le criticisme issu du poétisme) une écritique : une théorie critique (dans tous les sens du terme) de l’écriture. Cette écritique se rapproche et se distingue à la fois de la mécritique imaginée par Prigent : Opération de « plagiat nécessaire » (c’était, on s’en souvient, l’une des injonctions de Lautréamont) qui ne serait pas le plagiat d’un style et de ses tics formels (nul « à la manière de ») mais plagiat d’une méthode et d’une stratégie : il y aurait à produire, dans le code de la glose, une intervention équivalente de celle que produit Denis Roche dans son propre site (la « poésie »), c’est-à-dire un désamorçage frustrant le programme de la lecture-de-critique-de-poésie : une mécritique, en somme.[122] Nous ne partageons pas ce point de vue, bien que le programme soit extrêmement séduisant, que Prigent lui-même n’a pas poursuivi[123] qui instaure une homologie entre le texte poétique et l’analyse critique[124]; homologie qui annule la nécessaire distance critique que doit instaurer toute lecture. Il nous paraît cependant intéressant de relever cette équivalence d’intervention entre les champs poétique et critique[125] qui souligne le fait que toute nouvelle écriture poétique amène à repenser la définition de la poésie, ce qui modifie nécessairement son approche analytique : Cela invite à observer le texte de D. Roche à partir d’une pratique du langage et de ses transformations, sans rien abandonner non plus des armes analytiques que fournit la critique contemporaine. Cela fonde la difficulté du commentaire. Elle est cependant nécessaire, sauf à ramener la modernité de l’intervention étudiée à de vieux schémas qu’elle a précisément pour fonction de disqualifier[126]. La redéfinition de l’objet d’analyse implique donc une redéfinition de l’analyse de l’objet. On retrouve ainsi la spécificité et l’historicité de l’écriture et de l’écritique[127] . On peut, dès lors, définir l’écritique comme l’héritière critique (littéralement et dans tous les sens) de la mécritique. Cette écritique même si elle s’oppose à ce que nous pensons être l’opinion commune en matière de poétique (à savoir le poétisme[128]) s’inscrit elle aussi néanmoins à la croisée de différents courants de la critique poétique.

Tout d’abord, précisons que nous partageons l’analyse jakobsonienne de la fonction poétique (projection du principe d’équivalence de l’axe de la sélection sur l’axe de la combinaison) pour sa capacité opératoire (cette fonction, si l’on peut dire, fonctionne souvent), mais nous la partageons seulement en partie puisque sa portée définitoire apparaît contestable. Il est vrai que Jakobson ne définit pas la poésie mais la fonction poétique et il précise simplement que dans la poésie la fonction poétique est dominante[129]; seulement, cette fonction poétique est tout aussi essentielle notamment dans la publicité ; ce qui ne ruine pas mais du moins atténue la pertinence de la définition[130]. Finalement, Nicolas Ruwet a résumé l’apport de cette fonction poétique[131] qui fut essentiel dans l’évolution de l’analyse de la poésie : On part de l’hypothèse que le langage poétique se distingue du langage ordinaire en ce qu’il superpose[132], dans la chaîne syntagmatique, aux relations ordinaires fondées sur la contiguïté (concaténation), des relations fondées sur l’équivalence. [133]  Et là où le langage non-poétique opère par réduction d’autonomie[134], le langage poétique compense, « rémunère », dirait Mallarmé, cette perte, cette réduction par la projection du principe d’équivalence[135].

Cette non-réduction équivalant à une totalisation de la langue (dont le fonctionnement linguistique non-poétique est la réduction de cette totalisation) : « La poésie a besoin de la langue tout entière, de tous ses aspects et de tous ses éléments, et ne reste indifférente à aucune nuance du mot linguistique. Aucun domaine culturel, hormis la poésie, n’a besoin de la langue dans sa totalité. […] Ce n’est qu’en poésie que la langue révèle toutes ses possibilités, car les exigences à son égard sont ici maximales. »


Ou encore, la littérature est ce qui, à l’intérieur du langage même, permet de dépasser le langage.

« La création artistique définie par rapport à son matériau consiste à le surmonter. »[136]. Ce point de vue de Mikhaël Bakhtine est également partagé par Henri Meschonnic qui, dans une simple note qu’il aurait peut-être pu développer, précise que Julia Kristeva : conçoit, avec pénétration et sens poétique, le langage du poème non comme déviation mais comme « totalité » du code[137] La pensée micro-structurelle de l’écart par rapport à une norme codifiée est donc dépassée par une pensée macro-structurelle de la non-réduction et de la totalisation du code. Si bien que langue poétique et langue non-poétique ne se situent plus dans un rapport d’opposition ni d’addition mais d’inclusion au sens où la poésie embrasse la totalité du code là où le langage non-poétique sélectionne, fait des choix qui sont autant d’exclusions, de réductions. Ce que rappelle Henri Meschonnic, là encore dans une simple note : l’œuvre n’est pas l’ « antithèse » de l’usage, elle est autre et non contraire.[138] Le mode de fonctionnement du langage poétique étant différent du mode de fonctionnement du langage non-poétique. C’est pourquoi la double équation de M. Jourdain est erronée et il nous paraît plus juste de penser ces rapports entre langue poétique et langue non-poétique en termes d’inéquation[139], ainsi : La poésie n’est pas adition, à la fin elle est altérité.[140] De plus, ce rapport d’altérité est dédoublé ou, si l’on veut, élevé au carré, si bien que l’on pourrait dire que la poésie est l’autre² du langage. On pourrait ainsi noter :

 


                        langage poétique ≠ langage non-poétique

                        langage poétique ≠langage déjà-poétique[141]



En effet, le refus dont nous parlons est le refus du fonctionnement linguistique du langage non-poétique tout autant que le refus du langage déjà-poétique[142]. Cette double inéquation témoignant de la spécificité (la première) et de l’historicité[143] (la seconde) du discours poétique. Ce double refus étant une chance de survie et de renouvellement de la poésie : Ce qui importe, c’est le retournement critique, le non à la poésie qui porte toujours la poésie en avant de ce qu’elle peut, de ce qu’elle croît être, vers ce qu’elle ne sait pas encore dire.[144] C’est donc vers ce « pas-encore-dit » que tend la poésie, horizon esthétique[145] dont la quête passe nécessairement par le refus du déjà-dit poétique qui est l’équivalent d’une insurrection contre une double Loi (la Langue et son fonctionnement non-poétique, la Poésie et sa paraphrase du poétique), ce qu’expose implacablement Jean Baudrillard dont la conception nous semble proche de ce que nous appelons l’art porétique : Dans le champ du langage aussi existe le modèle d’un échange symbolique, quelque chose comme le noyau d’une anti-économie politique, lieu d’extermination de la valeur et de la loi : c’est le langage poétique.[146], il précise plus loin : il faut dire que le poétique est à l’inverse un processus d’extermination de la valeur.

La loi du poème est en effet de faire, selon un processus rigoureux, qu’il ne reste rien. C’est en cela qu’il s’oppose au discours linguistique qui, lui, est un procès d’accumulation, de production et de distribution du langage comme valeur. Le poétique est irréductible au mode de signification, qui n’est que le mode de production des valeurs du langage. […]

Le poétique, c’est l’insurrection du langage contre ses propres lois. Saussure[147] lui-même n’a jamais formulé cette conséquence subversive.[148] Jean Baudrillard définit ainsi le rapport de non-identité de la poésie au langage mais rappelle surtout que ce rapport de non-identité s’applique également à la poésie elle-même : Et où est la jouissance ? L’intensité du poétique n’est jamais dans la répétition d’une identité, elle est dans la destructiond’une identité.[149] C’est pourquoi ce refus de la poésie est la condition même d’existence de la poésie. Refus qui est l’existence mais aussi l’exigence de la poésie qui est sa seule possibilité de survie : Il apparaît vite que la poésie est aussi l’ennemie née de la poésie : elle se détourne de la poésie en naissant, mêlant au cri le désir de durer.[150] Sans ce refus, la poésie n’est rien, n’est rien d’autre qu’une curiosité archéologique, ce que n’hésite pas non plus à dénoncer Beckett : Ainsi on peut répartir les poètes irlandais contemporains en deux catégories : les « amateurs d’antiquité » (antiquarians) qui forment la majorité, et les autres, que Mr Yeats compare gentiment à des poissons qui gisent suffoquant sur le rivage.[151] Refus qui va être radicalisé par Denis Roche qui règle ses comptes à la doxa du poétisme : Et ceci de façon à faire mieux apparaître un mode poétique particulier au XXe siècle et qu’il nous semble urgent de détériorer dans l’image très précise que le public français en a.[152] Il cite, par ailleurs, Edgar Poe[153] dont le Principe poétique résume assez justement le nécessaire abandon de la poésie : Tout ce qui est tellement indispensable à la Poésie est précisément tout ce avec quoi elle n’a rien du tout à faire.[154] Et si pour Jean Baudrillard ce refus est la condition sine qua non de la jouissance, il est pour Denis Roche, qui reprend Novalis, celle de la liberté : l’état de critique est l’élément de liberté. [155] Finalement, nos porètes reprennent le mot d’ordre quasi-dadaïste de Francis Ponge : Tout écrivain digne de ce nom doit écrire contre tout ce qui a été écrit jusqu’alors.[156]       

 

Par conséquent, notre approche exogène nous a permis de montrer comment la langue apoétique de l’art porétique se situait sur le plan théorique dans un refus de ce que nous avons appelé le poétisme. Nous désignons par ce terme une conception essentialiste qui se contente de la doxa poétique. Doxa que l’on retrouve dans une certaine poésie du terroir, une poésie de l’engagement, mais surtout dans le lyrisme auquel semble se réduire la majeure partie de la poésie. C’est cette conception classique, illustrée exemplairement par l’Art Poétique de Boileau, que l’art porétique va refuser en récusant cette approche essentialiste et dualiste qui est une est-éthique convenue et périmée.

Est-éthique pourtant perpétuée par le versant théorique du poétisme qui continue de reproduire les vieux dualismes du fond contre la forme, de la poésie contre la prose, de l’écart contre la norme. Ce criticisme nous a finalement conduit à devoir esquisser une théorie critique qui dépasse cette ancienne stylistique (théorie classique du Style comme expression du Beau et du Bien) : une écritique (théorie critique de l’écriture[157]  comme spécificité et historicité d’un discours) qui, face à une pensée micro-structurelle cantonnée à la figure de style, est une pensée macro-sructurelle de la non-réduction et de la totalisation de la langue.  Dimension critique qui devrait permettre d’appréhender la crise peut-être a priori, la crise finalement ontologique de la poésie car, comme l’indique Meschonnic : La poésie échappe au verbe être.




     

[99] Le Degré zéro de l’écriture, Roland Barthes, Seuil, 1972, pp. 39-40 

[100] « il apparaît dénué de sens d’opposer la poésie à la prose. L’ineptie binaire se concentre dans le pseudo-truisme qui fait de la poésie l’antiprose », Critique du rythme, Henri Meschonnic, Verdier, 1982, p . 396 

[101] Théorie de la poéticité, Jean Cohen, José Corti, 1995, p14 

[102] la stylistique littéraire a été et continue souvent à être une stylistique de lécart, le style littéraire étant conçu comme une singularité s’opposant aux normes collectives. (p. 183) et plus loin : on considère souvent le style comme écart par rapport à une norme. Comme définition du style, cette caractérisation paraît inacceptable (p. 655) Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Oswald Ducrot Jean-Marie Schaeffer, Seuil, 1995 

[103] la notion remonte à Aristote 

[104] il s’agit du style 

[105] Structure du langage poétique, Jean Cohen, Flammarion, 1966, p. 14 

[106] Théorie de la poéticité, Jean Cohen, José Corti, 1995, p. 29 

[107] on rappellera à ce propos la fameuse citation de Du Marsais : il se fait en un jour de marché à la halle plus de figures qu’en plusieurs jours d’assemblées académiques. 

[108] face à tant de grandiloquence on rappellera la remarque de Gérard Dessons : On reconnaît ici le principe d’empathie (connaissance intuitive) qui a longtemps prévalu dans la méthode d’explication des textes poétiques, et qui produisait, sur le modèle de l’enthousiasme divin, un enthousiasme sensible érigeant toute lecture et appréciation subjectiviste en méthode d’approche légitime de la littérature. Introduction à la poétique, Gérard Dessons, Dunod, 1995, p. 49 

[109] ce pronom personnel ne renvoie en fait qu’à la doxa criticiste issue du poétisme 

[110] Cohen, op. cit.., p. 164 

[111] Grammont finissait par définir la poésie par la rime et par le vers. Roubaud ne fait guère autrement. La métrique est académique par nature, et par histoire. Critique du rythme, Henri Meschonnic , Verdier, 1982, p.597

[112] Essais de stylistique structurale, Michael Riffaterre, Flammarion, 1971, p. 56

[113] ibid., p. 149

[114] pour Riffaterre : Le style est compris comme un soulignement (emphasis)(expressif, affectif ou esthétique) ajouté à l’information transmise par la structure linguistique, sans altération de sens. ibid., p. 30

[115] Traité du rythme, Des vers et des proses, Gérard Dessons Henri Meschonnic, Dunod, 1998, p. 91

[116] une théorie est une recherche, non un maintien de l’ordre. […] Elle n’est assurée par rien. Elle n’est pas non plus assurée de ce qu’elle dit, puisqu’elle l’avance. Meschonnic, op. cit., p. 16

[117] « La théorie est critique. C’est son aventure » ibid., p. 15

[118] en matière critique, la polémique nous apparaît plus fructueuse que l’inertie, l’indifférence ou les débats convenus

[119] Selon Denis Roche : La littérature est périmée depuis longtemps et l’écrivain lui-même est un préjugé du passé. in Poésie et figuration, Jean-Marie Gleize, coll. « Pierres vives », Seuil, 1983, p. 253

[120] Peut-être faut-il en effet penser que faire de la poésie est d’ores et déjà une activité anachronique. Bien naïf en tout cas serait aujourd’hui celui qui continuerait benoîtement à écrire sans tenir compte de ce terrible exposant. A quoi bon encore des poètes ?, Christian Prigent, P.O.L, 1996, pp. 14-15

[121] Le style est du côté du classicisme, du passé, de la réaction, du dualisme : il est l’esthétisme formel qui a fait les « grands écrivains » du panthéon littéraire. Par contraste, l’écriture est moderne, progressiste, moniste (non-dualiste) : sa fonction n’est pas d’exprimer un contenu sous-jacent et fini, mais d’ « illimiter le langage », de le rendre infini. C’est pourquoi le travail conceptuel de Roland Barthes a consisté à substituer très tôt le concept d’écriture à celui de style trop marqué par le classicisme. Introduction à la Poétique, Gérard Dessons, Dunod, 1995, p. 195

[122] Denis Roche, Christian Prigent, coll. « poètes d’aujourd’hui », 233, Seghers, 1977, p. 67

[123] cependant, on pourrait considérer que les récentes Lectures de Salut les anciens se rapprochent de cette mécritique tant ces lectures critiques tendent vers la poésie

[124] on retrouve ce problème chez Blanchot, par exemple, pour qui écrire sur Beckett revient quasiment à réécrire du Beckett

[125] […] l’aventure théorique et l’aventure poétique sont inséparables. Elles partagent une même historicité, un même inconnu. Meschonnic, op. cit., p. 16

[126] Prigent, op. cit., p. 9

[127] Ainsi, pour Henri Meschonnic, tout comme la poésie : La poétique est tendue vers son propre impensé. C’est sa situation critique. Les états de la poétique, Henri Meschonnic, coll. « Ecriture », PUF, 1985, p. 7

[128] Le poétisme est l’alibi d’une déshistoricisation de la poésie.Meschonnic, op. cit., p. 480

[129] Jakobson ne définit pas la poésie, mais seulement la « fonction poétique ». La poésie est caractérisée pour lui par le « rôle contraignant, déterminant » qu’y joue la fonction poétique sur les autres fonctions du langage et par rapport aux autres types d’expressions. Pour la Poétique I, Henri Meschonnic, coll. « Le Chemin », NRF, Gallimard, 1970, p. 28

[130] d’autres lui reprochent d’être encore prisonnier de la double équation de M. Jourdain comme dit Barthes : d’ailleurs Jakobson fait de cette fonction poétique une fonction du langage parmi d’autres, supplémentaire et non-alternative – plus-value de signification due à ce que le signifiant lui-même est pris en compte comme valeur autonome. Le poétique vous en donne plus ! L’échange symbolique et la mort, Jean Baudrillard, NRF, Gallimard, 1976 , p. 311

[131] liée à l’analyse non plus de la littérature mais de la littérarité, c’est-à-dire de la spécificité littéraire d’un texte. Nous partageons sur ce point l’approche de Michael Riffaterre (qui rejoint ici celle d’Henri Meschonnic) pour qui : Le texte est toujours unique en son genre. Et cette unicité est, me semble-t-il, la définition la plus simple que nous puissions donner de la littérarité. […] Unique auquel on donne le nom de style, et qu’on a longtemps confondu avec l’individu hypothétique appelé auteur : en fait, le style, c’est le texte même.(La production du texte, Michael Riffaterre, Seuil, 1979, p. 8) nous parlerons quant à nous non plus de style mais, avec Barthes et Dessons, d’écriture : l’écriture est alors le concept clé de l’individuation littéraire, renvoyant le style, avec la langue, dans un infra-langage psychologique et biologique. Dessons, op. cit., p. 196

[132] le terme nous paraissant dépendre d’une conception additionnelle de la poésie, nous préférons parler « d’intégration » plutôt que de « superposition »

[133] Guiraud, op. cit., p. 303

[134] c’est la syntaxe qui impose ces contraintes  par la réunion d’unités syntagmatiques qui, lorsqu’elles sont autonomes sont ouvertes à la variation lexicale, mais qui vont se contraindre mutuellement par la mise en relation syntaxique

[135] Ce qui ne sauve pas la langue de son inadéquation mais permet de la dire, nécessité porétique relevée par Bataille : L’inadéquation de toute parole… du moins, doit être dite. L’Arc, n° 32, p. 33

[136] Mikhaël Bakhtine, Todorov, coll. « Poétique », Seuil, 1986, p. 105

[137] Pour la Poétique I, Henri Meschonnic, coll. « Le Chemin », NRF, Gallimard, 1970, p. 33

[138] ibid., p. 61

[139] on peut déjà noter que ce rapport d’inéquation est un moyen pour nombre de poètes depuis Mallarmé de « rémunérer le défaut des langues » de telle sorte que l’inéquation compense l’inadéquation du langage

[140] Meschonnic, op. cit., p. 111

[141] La poésie est toujours l’autre de la poésie, Meschonnic, op. cit., p. 504

[142] L’historicité est l’aspect social de la spécificité. Ceci est la banalité même, puisque c’est ce qui a toujours eu son temps et son lieu. Ecrire après sans écrire comme. Meschonnic, op. cit., p. 27

[143] Puisque historiquement la poésie n’arrive que quand on regrette la poésie, le déjà poétique. Quand on ne sait plus ce que c’est. Les états de la poétique, Henri Meschonnic, coll. « Ecriture », PUF, 1985, p. 185

[144] A noir Poésie et littérarité, Jean-Marie Gleize, coll. « Fiction & Cie », Seuil, 1992, p. 24

[145] Le poétisme confère une nature involutive à la poésie (en raison de son essentialisme alors que :  la critique est l’anti-essentialisation, Henri Meschonnic, Célébration de la poésie, Verdier, 2001, p. 108) qui tend toujours vers elle-même tandis que l’écritique développe une conception évolutive de la poésie qui tend vers son autre : la pensée poétique de la poésie, excluant poétiquement la fiction, la narration, le récit, a fait comme si l’essence de la poésie était là où elle la mettait, et a déshistoricisé la poésie. Critique du rythme, Henri Meschonnic, Verdier, 1982, p. 443

[146] L’échange symbolique et la mort, Jean Baudrillard, Gallimard, 1976, p. 285

[147] Saussure, non, mais Bakhtine, oui.

[148] ibid., p. 289

[149] ibid., p. 302

[150] Articles I, 1944-1949, Georges Bataille, tome XI, NRF, Gallimard, 1988, p. 99

[151] Casanova, op. cit., pp. 43-44

[152] Roche, op.cit., p. 435

[153] qu’il met en exergue d’une des sections d’Eros énergumène

[154] ibid., p. 349

[155] ibid., p. 435

[156] Structure de la poésie moderne, Hugo Friedrich, le livre de poche, 1999, p. 238

[157] Ecrire c’est contre le style, Henri Meschonnic, Faire part, n° 14-15 « Christian Prigent », 1994, p.

 

 

 

 

 

Pour citer cet article



 

 

Joaquim Lemasson, « De l’art porétique comme langue apoétique  Beckett, Bataille, Roche, Prigent », in Le Pan poétique des muses|Revue de poésie entre théories & pratiques : « Poésie & Crise »   [En ligne], n°0|Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. http://0z.fr/gFx2S                      ou 

URL. http://www.pandesmuses.fr/article-de-l-art-poretique-comme-langue-apoetique-85912226.html puis URL http://www.pandesmuses.fr/article-n-0-de-l-art-poretique-comme-langue-apoetique-suite-86486977.html   ou  RUL http://0z.fr/IfLgg  pour la suite de l'article.                     

 

 

 

 

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Joaquim Lemasson

 



 

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